Objet : Corruption…
Bonjour bonjour,
Le sprint final est amorcé, on court comme des poules pas de tête pour finir nos projets. La réalisation de notre documentaire a été un peu affectée par le manque de disponibilité de la part de notre principal partenaire dans les dernières semaines, alors on doit redoubler d’efforts pour les deux dernières semaines. J’ai vécu un beau moment en interviewant des Zemidjans (chauffeurs de taxi-moto) cette semaine. Avec l’aide de Gustave, un Béninois qui connaît bien le monde des chauffeurs de taxi-moto, on a réussi à s’intégrer à l’un de leurs rassemblements. À tous les jours à 10h. am, les Zemidjans se regroupent autour d’une radio pour écouter la revue de presse (car la plupart ne savent pas lire). Gustave les a approchés pour leur demander qui serait à l’aise de répondre à nos quelques questions. Lorsque j’ai commencé mon interview avec un Zemidjan, qui en avait long à dire sur ses médiocres conditions de travail et le manque d’intervention de la part du gouvernement (ils ont beau être illettrés, ils sont très politisés et ça se voit), une vingtaine de Zemidjans nous ont entourés pour suivre la conversation et acquiescer aux propos de l’interviewé. Une chance que Gustave était à côté de moi! Je dois avouer que j’aime bien mon rôle de journaliste à l’étranger! Haha!
Comme vous l’avez constaté lors de mes derniers courriels, certains aspects de la culture béninoise me choquent. Le sujet qui choque le plus, et vous serez sans doute d’accord avec moi, c’est le châtiment corporel fait aux enfants. Dans la famille d’Henriette (La sœur de ma mère d’accueil, où il y a le petit Alain), c’est le grand-père de 90 ans qui s’occupe de corriger les enfants avec ce qu’ils appellent une chicote (un ramassis de brindilles de bois). Alors à tout moment j’entends les enfants se faire des menaces entre eux : « Je vais le dire à Pépé et il va te taper ». Disons que j’espère ne pas avoir à assister à l’une de ses séances de « chicotage »…
La semaine passée j’ai fait l’expérience du Marché de Dantokpa à Cotonou, qui est soi-disant le plus gros marché public de l’Afrique. J’y suis allée seule avec Perpétu, la domestique de ma famille. Je voulais prendre des photos, mais je n’ai jamais osé sortir ma caméra. Je n’ai jamais vu autant de gens dans les rues, juste traverser la rue est un défi ! Des centaines de marchands me touchaient pour que je leur achète des choses, mais moi la seule chose à laquelle je pensais, c’était de protéger mon sac !! Encore un autre moment intense. J’ai finalement acheté un tissu pour me faire un habit traditionnel sur mesure par le couturier. Au total (tissu et couturier) ça m’a coûté 5000 Francs, donc 13 dollars, pas si mal ! C’est bien la seule chose qui n’est pas cher en Afrique…
Aujourd’hui il fait quelque chose comme 20 degrés, c’est la journée la plus douce depuis notre arrivée. Et imaginez-vous donc que je vois des Africains avec des manteaux !!! L’autre jour on a même croisé un vendeur ambulant de manteaux d’hiver. On nous a dit que c’était pour les Béninois qui allaient à Paris ! Haha, très drôle !
On en voit vraiment de toutes les couleurs en Afrique : Poulets et chèvres encore vivants dans une voiture en direction de l’abattoir. Ils sont tellement nombreux que ça sort par les fenêtres et la valise. Surcharge!!! Aussi, sur le bord de la route, on se fait achaler par plein de vendeurs de trucs bizarres : pèse-personne, lustres, des boîtes de kleenex, des couteaux de cuisine, des photos de Jésus, etc. On rit à chaque fois qu’on voit des nouveaux objets !
Un peu de politique...
Le Bénin est le pays le plus corrompu de l’Afrique de l’Ouest, en tout cas c'est ce que nous a dit Alain Vennes, le directeur de la coopération canadienne au consulat canadien au Bénin (L’ambassade canadienne étant à Abidjan en Côte d’Ivoire) lorsqu'on l'a rencontré. J’étais vraiment impressionnée de rencontrer cet homme qui a œuvré pendant plus de 15 ans à titre de diplomate en Afrique. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander s’il avait une famille. Il nous a donc raconté que sa famille (sa femme et ses 3 enfants) l’a suivi en Afrique il y a 15 ans. Ces enfants ont été élevés en Afrique! Alors que les actions du gouvernement canadien convergeaient surtout vers la protection de l’environnement (l’une des priorités de l’Agence canadienne de développement international à l’époque), plusieurs projets environnementaux ont alors été mis sur pieds, comme la collecte et la gestion des déchets. Cependant, ces priorités ont malheureusement changé depuis l’élection de l’actuel Président en 2006, Thomas Boni Yayi. Aussi, on n’est pas surpris d’apprendre que ce n’est pas une priorité pour notre cher gouvernement Harper non plus... En fait, le gouvernement canadien entrevoit même de fermer plusieurs ambassades canadiennes en Afrique (en les regroupant), réduisant ainsi ses actions sur ce continent. Où préfère-t-il intervenir ? Ah oui c’est vrai, en Afghanistan! Ça serait donc ça sa définition de l'aide internationale. Quoi qu’avec toute cette corruption, je ne sais plus trop quoi penser de l’aide internationale. Ce qui est désolant c’est que ces projets orientés vers l’environnement vont probablement prendre fin…
Petite désillusion de fin de stage : La corruption est tellement présente, on l'a vécu même au sein du projet AFPB. La même journée où on a rencontré Alain Vennes, on a appris qu’il se tramait des choses pas trop catholiques au sein du projet AFPB. Simple hasard? Ouh… Tout ce que je peux dire c’est qu’on a réalisé que la corruption existe partout en Afrique (en fait, on n’était pas naïf, on le savait bien…) et que les ONG n’y échappent pas. Je pourrai vous en dire plus à mon retour, c’est une trop longue histoire!
Un peu d’histoire...
Comme je vous le disais dans un précédent courriel, le Bénin est un des pays les plus pacifiques du continent africain. Intéressant : le Bénin a déjà été sous le régime marxisme-léninisme. Dans les années 70 et 80, le régime communiste s’est bien installé au Bénin alors que l’armée prenait le pouvoir et dissolvait l’Assemblée nationale. Cela aura permis au Bénin de faire des activités commerciales intéressantes et d’être financé par ce régime. Cependant, les convictions communistes étant presque inexistantes, les intellectuels ont qualifié, avec dérision, cette période le « laxisme-béninisme » tellement ce changement de cap politique avait été un simple prétexte pour relever un peu le pays. Les symboles de son époque sont encore très présents : l’étoile rouge, qui est le plus gros carrefour de la ville et la Place de la Bulgarie, où une immense statue a été érigée. C’est vraiment drôle parce que la statue représente un ex-dirigeant Bulgare qui n’est pas du tout connu par la population. Vraiment aucun sentiment d'appartenance... (Photo #1).
Un autre événement marquant m’est arrivé il y a quelques semaines. Je marchais dans ma rue pour retourner dans ma villa de diplomate quand un groupe de jeunes garçons d’environ 15 ans sont sortis d’un autobus devant moi. Un des garçons vient tout de suite me voir en me tend la main. En me serrant la main, il me dit : « Vous ne me trouvez pas beau hein ? Vous n’aimez pas la peau noire ? Nous ne sommes pas des animaux, nous sommes des humains comme vous. » Ayoye !!! Je suis restée tellement surprise. Bien sûr je lui ai dit qu’on ne pensait pas ça du tout. Alors, il m’a dit que j’étais bien gentille et nous nous sommes quittés. Je ne sais pas s’il dit ça à tous les blancs qu’il croise, mais ça m’a tellement fait réfléchir. J’ai du mal à dire comment j’interprète cet événement, mais une chose est certaine, je ne peux pas rester indifférente... je ne veux pas être trop être philosophique, mais je crois bien que ce séjour en Afrique est en train de changer ma vision du monde. J’étais déjà sensibilisée aux questions de racisme, mais le vivre autant c’est quelque chose...
Donnez-moi un peu de vos nouvelles! :)
À bientôt,
Pat
_______________________________________________________
Photos :
Photo #1 : Le Bulgare inconnu
Photo #2 : Mère avec son bébé dans le dos et de la marchandise à vendre sur la tête. Elles sont vraiment impressionnantes les Africaines.
Photo #3 : Notre gang : Julie, Sarah, Marie-Helene, Nicolas (le meilleur chauffeur de Cotonou), Samantha, moi, Jerome, Melissa, Patrick et Arianne
Photo #4 à 6 : De la couleur!


Photo #7 : Petit garçon sur la moto de son papa
Photo #8 : À plusieurs endroits sur les murs on peut voir ces inscriptions, mais tout le monde pisse partout quand même, même les femmes...
Photo #9 : Palmiers
Photo #10 : Des petits gars que j'ai rencontrés et qui se promenaient avec de la vieille tôle de voiture sur la tête.
Bonjour bonjour,
Le sprint final est amorcé, on court comme des poules pas de tête pour finir nos projets. La réalisation de notre documentaire a été un peu affectée par le manque de disponibilité de la part de notre principal partenaire dans les dernières semaines, alors on doit redoubler d’efforts pour les deux dernières semaines. J’ai vécu un beau moment en interviewant des Zemidjans (chauffeurs de taxi-moto) cette semaine. Avec l’aide de Gustave, un Béninois qui connaît bien le monde des chauffeurs de taxi-moto, on a réussi à s’intégrer à l’un de leurs rassemblements. À tous les jours à 10h. am, les Zemidjans se regroupent autour d’une radio pour écouter la revue de presse (car la plupart ne savent pas lire). Gustave les a approchés pour leur demander qui serait à l’aise de répondre à nos quelques questions. Lorsque j’ai commencé mon interview avec un Zemidjan, qui en avait long à dire sur ses médiocres conditions de travail et le manque d’intervention de la part du gouvernement (ils ont beau être illettrés, ils sont très politisés et ça se voit), une vingtaine de Zemidjans nous ont entourés pour suivre la conversation et acquiescer aux propos de l’interviewé. Une chance que Gustave était à côté de moi! Je dois avouer que j’aime bien mon rôle de journaliste à l’étranger! Haha!
Comme vous l’avez constaté lors de mes derniers courriels, certains aspects de la culture béninoise me choquent. Le sujet qui choque le plus, et vous serez sans doute d’accord avec moi, c’est le châtiment corporel fait aux enfants. Dans la famille d’Henriette (La sœur de ma mère d’accueil, où il y a le petit Alain), c’est le grand-père de 90 ans qui s’occupe de corriger les enfants avec ce qu’ils appellent une chicote (un ramassis de brindilles de bois). Alors à tout moment j’entends les enfants se faire des menaces entre eux : « Je vais le dire à Pépé et il va te taper ». Disons que j’espère ne pas avoir à assister à l’une de ses séances de « chicotage »…
La semaine passée j’ai fait l’expérience du Marché de Dantokpa à Cotonou, qui est soi-disant le plus gros marché public de l’Afrique. J’y suis allée seule avec Perpétu, la domestique de ma famille. Je voulais prendre des photos, mais je n’ai jamais osé sortir ma caméra. Je n’ai jamais vu autant de gens dans les rues, juste traverser la rue est un défi ! Des centaines de marchands me touchaient pour que je leur achète des choses, mais moi la seule chose à laquelle je pensais, c’était de protéger mon sac !! Encore un autre moment intense. J’ai finalement acheté un tissu pour me faire un habit traditionnel sur mesure par le couturier. Au total (tissu et couturier) ça m’a coûté 5000 Francs, donc 13 dollars, pas si mal ! C’est bien la seule chose qui n’est pas cher en Afrique…
Aujourd’hui il fait quelque chose comme 20 degrés, c’est la journée la plus douce depuis notre arrivée. Et imaginez-vous donc que je vois des Africains avec des manteaux !!! L’autre jour on a même croisé un vendeur ambulant de manteaux d’hiver. On nous a dit que c’était pour les Béninois qui allaient à Paris ! Haha, très drôle !
On en voit vraiment de toutes les couleurs en Afrique : Poulets et chèvres encore vivants dans une voiture en direction de l’abattoir. Ils sont tellement nombreux que ça sort par les fenêtres et la valise. Surcharge!!! Aussi, sur le bord de la route, on se fait achaler par plein de vendeurs de trucs bizarres : pèse-personne, lustres, des boîtes de kleenex, des couteaux de cuisine, des photos de Jésus, etc. On rit à chaque fois qu’on voit des nouveaux objets !
Un peu de politique...
Le Bénin est le pays le plus corrompu de l’Afrique de l’Ouest, en tout cas c'est ce que nous a dit Alain Vennes, le directeur de la coopération canadienne au consulat canadien au Bénin (L’ambassade canadienne étant à Abidjan en Côte d’Ivoire) lorsqu'on l'a rencontré. J’étais vraiment impressionnée de rencontrer cet homme qui a œuvré pendant plus de 15 ans à titre de diplomate en Afrique. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander s’il avait une famille. Il nous a donc raconté que sa famille (sa femme et ses 3 enfants) l’a suivi en Afrique il y a 15 ans. Ces enfants ont été élevés en Afrique! Alors que les actions du gouvernement canadien convergeaient surtout vers la protection de l’environnement (l’une des priorités de l’Agence canadienne de développement international à l’époque), plusieurs projets environnementaux ont alors été mis sur pieds, comme la collecte et la gestion des déchets. Cependant, ces priorités ont malheureusement changé depuis l’élection de l’actuel Président en 2006, Thomas Boni Yayi. Aussi, on n’est pas surpris d’apprendre que ce n’est pas une priorité pour notre cher gouvernement Harper non plus... En fait, le gouvernement canadien entrevoit même de fermer plusieurs ambassades canadiennes en Afrique (en les regroupant), réduisant ainsi ses actions sur ce continent. Où préfère-t-il intervenir ? Ah oui c’est vrai, en Afghanistan! Ça serait donc ça sa définition de l'aide internationale. Quoi qu’avec toute cette corruption, je ne sais plus trop quoi penser de l’aide internationale. Ce qui est désolant c’est que ces projets orientés vers l’environnement vont probablement prendre fin…
Petite désillusion de fin de stage : La corruption est tellement présente, on l'a vécu même au sein du projet AFPB. La même journée où on a rencontré Alain Vennes, on a appris qu’il se tramait des choses pas trop catholiques au sein du projet AFPB. Simple hasard? Ouh… Tout ce que je peux dire c’est qu’on a réalisé que la corruption existe partout en Afrique (en fait, on n’était pas naïf, on le savait bien…) et que les ONG n’y échappent pas. Je pourrai vous en dire plus à mon retour, c’est une trop longue histoire!
Un peu d’histoire...
Comme je vous le disais dans un précédent courriel, le Bénin est un des pays les plus pacifiques du continent africain. Intéressant : le Bénin a déjà été sous le régime marxisme-léninisme. Dans les années 70 et 80, le régime communiste s’est bien installé au Bénin alors que l’armée prenait le pouvoir et dissolvait l’Assemblée nationale. Cela aura permis au Bénin de faire des activités commerciales intéressantes et d’être financé par ce régime. Cependant, les convictions communistes étant presque inexistantes, les intellectuels ont qualifié, avec dérision, cette période le « laxisme-béninisme » tellement ce changement de cap politique avait été un simple prétexte pour relever un peu le pays. Les symboles de son époque sont encore très présents : l’étoile rouge, qui est le plus gros carrefour de la ville et la Place de la Bulgarie, où une immense statue a été érigée. C’est vraiment drôle parce que la statue représente un ex-dirigeant Bulgare qui n’est pas du tout connu par la population. Vraiment aucun sentiment d'appartenance... (Photo #1).
Un autre événement marquant m’est arrivé il y a quelques semaines. Je marchais dans ma rue pour retourner dans ma villa de diplomate quand un groupe de jeunes garçons d’environ 15 ans sont sortis d’un autobus devant moi. Un des garçons vient tout de suite me voir en me tend la main. En me serrant la main, il me dit : « Vous ne me trouvez pas beau hein ? Vous n’aimez pas la peau noire ? Nous ne sommes pas des animaux, nous sommes des humains comme vous. » Ayoye !!! Je suis restée tellement surprise. Bien sûr je lui ai dit qu’on ne pensait pas ça du tout. Alors, il m’a dit que j’étais bien gentille et nous nous sommes quittés. Je ne sais pas s’il dit ça à tous les blancs qu’il croise, mais ça m’a tellement fait réfléchir. J’ai du mal à dire comment j’interprète cet événement, mais une chose est certaine, je ne peux pas rester indifférente... je ne veux pas être trop être philosophique, mais je crois bien que ce séjour en Afrique est en train de changer ma vision du monde. J’étais déjà sensibilisée aux questions de racisme, mais le vivre autant c’est quelque chose...
Donnez-moi un peu de vos nouvelles! :)
À bientôt,
Pat
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Photos :
Photo #1 : Le Bulgare inconnu

Photo #2 : Mère avec son bébé dans le dos et de la marchandise à vendre sur la tête. Elles sont vraiment impressionnantes les Africaines.

Photo #3 : Notre gang : Julie, Sarah, Marie-Helene, Nicolas (le meilleur chauffeur de Cotonou), Samantha, moi, Jerome, Melissa, Patrick et Arianne
Photo #4 à 6 : De la couleur!



Photo #7 : Petit garçon sur la moto de son papa

Photo #8 : À plusieurs endroits sur les murs on peut voir ces inscriptions, mais tout le monde pisse partout quand même, même les femmes...

Photo #9 : Palmiers

Photo #10 : Des petits gars que j'ai rencontrés et qui se promenaient avec de la vieille tôle de voiture sur la tête.

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